Subventions pour Dame Marguerite: un tour du monde en avion, en « First », avec deux « stops », à Los Angeles et Hong-Kong

Publié le par Jeunes européens

Les européennes, l’abstention et Conseil de l’Europe analysés par le politologue Jean Petaux

 

 

Taurillon : Pourquoi vote-t-on si peu aux européennes ? Est-ce que l’entrée à reculons des grands partis dans la campagne en est la raison principale ?

Jean Petaux :Il y a, évidemment, une pluralité de causes à l’abstention. Pour ce qui concerne le Parlement européen il y a, certainement, un très grand décalage entre ce que les politologues appellent l’espace d’agrégation électoral (le territoire de l’élection, le mode de scrutin) et l’espace institutionnel (le Parlement). Lorsqu’il y a un faible niveau d’adéquation entre ces deux espaces, il y a traditionnellement une forte abstention.

Cette permanence est renforcée, en l’espèce, par un total désintérêt des grandes formations politiques pour l’élection du Parlement européen. Il n’y a donc pas de « dramatisation » de la scène politique à cette occasion, moins de mobilisation et pour tout dire pas d’enjeu apparent alors qu’il est considérable en fait, compte tenu de l’importance normative du Parlement européen. Seules les formations « contestatrices » (soit de la politique gouvernementale soit du fonctionnement de l’Europe – encore nommées « eurosceptiques ») se mobilisent pour faire entendre leur voix. D’où, mécaniquement, une sur-représentation du score relatif de ces formations, au soir des résultats, par dépression des « partis de gouvernement » (UMP, PS).

Taurillon : Vous venez de publier un livre sur le rôle politique du Conseil de l’Europe. Peu de gens connaissent cette institution. Vous pouvez nous en dire quelques mots ?

JP :C’est la plus ancienne des institutions européennes créée le 5 mai 1949 par le Traité de Londres. Elle a donc 60 ans d’existence. Son siège est à Strasbourg. Elle est totalement inconnue alors qu’elle regroupe 47 Etats-membresde l’Islande à la Fédération de Russie, du Portugal à l’Azerbaïdjan en passant par les ex-Etats yougoslaves des Balkans et la Turquie. Son nom-même « Conseil de l’Europe » fait qu’on le confond avec le Conseil européen par exemple…

Cette organisation a produit, entre autres, la Convention Européenne des Droits de l’Homme (1950), la Convention culturelle européenne (1955), la Charte sociale européenne (1964). Elle permet aux 800 millions de citoyens vivants dans ces 47 Etats de faire condamner par la Cour Européenne des Droits de l’Homme(dépendant du Conseil de l’Europe) leur propre Etat. L’organisation a « inventé » le drapeau européen aux 12 étoiles sur fond bleu en 1955, choisi le prélude de la « Neuvième » de Beethoven (« L’hymne à la joie ») comme hymne européen en 1971… Toutes choses récupérées par la future UE dans les années 80.

Si j’ai voulu faire l’histoire et analyser le rôle politique de cette institution de coopération politique intergouvernementale qui a accueilli tous les Etats d’Europe centrale et orientale après la chute du « Rideau de fer » en 1989, quand personne n’en voulait réellement et avant qu’ils ne grossissent les rangs de l’ « Europe des 27 » actuelle, c’est qu’il m’a semblé que l’esprit contenu dans le projet original d’une Europe ouverte, soucieuse des conditions de vie de ses concitoyens, forgée sur un vrai idéal de paix au sortir de la tragédie du second conflit mondial, idéal ayant inspiré le fameux congrès fondateur de La Haye en 1948, est bien plus présent dans la philosophie du Conseil de l’Europe que dans celle de l’Union Européenne devenue essentiellement une « pompe à fric » (NDLR: voir les commentaires suscités par cette formule sur le site Taurillon.fr. Il importe de l'appréhender avec du recul.)

"L’esprit du Congrès de La Haye est bien plus présent dans la philosophie du Conseil de l’Europe que dans celle de l’Union Européenne"

L’UE est désormais un « monstre froid » où la subvention par tête de vache, par exemple, dans l’ensemble des 27 Etats-membres correspond à une somme permettant à chacune de ces mêmes vaches de se payer un tour du monde en avion, en « First », avec deux « stops », à Los Angeles et Hong-Kong… ! Avec une telle part de rêve proposé aux citoyens de l’UE, pas étonnant que l’institution bruxelloise ne fasse pas vibrer les foules ! Type de subvention d’ailleurs liée à la PAC, à mettre en parallèle avec la baisse constante des « bourses Erasmus », etc.

C’est la raison pour laquelle je propose de revenir aux origines de l’esprit d’Europe, celui du Conseil de l’Europe, installé au Palais de l’Europe, à Strasbourg, qui me semble encore détenir ce « SOUCI DE L'AME » cher au grand dissident et philosophe tchécoslovaque, mort en 1977, Jan Patocka.

( NDLR: J. PATOCKA, qui ne s’est pas laissé bâillonner par un régime totalitaire, a lancé l’année même de sa mort la fameuse Charte 77 dictée par des convictions certes philosophiques, mais vibrantes comme ces affirmations tirées de PLATON ET L’EUROPE (traduit par E. Abrams, Verdier, 1983) : « L’EUROPE - l’Europe occidentale surtout, mais aussi celle qu’on appelle ’l’autre Europe" - est issue du soin de l'âme. Voilà le germe dont est né ce qu’a été l’Europe. Bien sûr, l’Europe n’a pas été que cela. Il y a longtemps que le souci de l’âme s’est pour ainsi dire estompé sous les alluvions de ce qu’on pourrait appeler le souci, le soin, de la domination du monde. »

J. PATOCKA achève son raccourci historique sur la « DISPARITION DE L’EUROPE » que laissait craindre cette période de la guerre froide. Changerons-nous notre regard à la lumière de ces penseurs et d’abord d’EUROPE, la Levantine qui porta, puis nous donna par-delà son destin de victime transmué par sa propre libéralité, son nom de « Vaste-Vue » ? Laisserons-nous l’abstention, notre indifférence et la léthargie qui saisirait notre propre liberté nous ENLEVER L’EUROPE ? )

Le Taurillon, 27/04/09 par Laurent Nicolas, rédacteur en chef du magazine eurocitoyen

 

 

 

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