L’abandon du bouclier anti-missile américain, un tournant décisif pour la défense européenne ?

Publié le par Jeunes européens

  Le 17 septembre dernier, Barack Obama décida de ne pas donner suite au projet de George W. Bush, qui prévoyait l’installation d’une station radar en République tchèque et la mise en place de missiles intercepteurs en Pologne. A la place de ce dispositif, le Président américain prévoit de déployer, d’ici à 2011, des missiles intercepteurs à bord de navires militaires. Barack Obama justifie cette décision en arguant que le nouveau plan « apportera aux forces américaines et aux alliés de l’Amérique une défense plus forte, plus intelligente et plus rapide » pour faire face à la menace changeante que représente l’Iran.

Cette annonce, si elle marque une rupture forte dans la politique des Etats-Unis à l’égard des pays d’Europe centrale et orientale est également un message de conciliation envoyé en direction de la Russie.

Grand soulagement en Russie

Depuis l’annonce officielle par George W. Bush de la volonté des Etats-Unis de développer le bouclier anti-missile en République tchèque et en Pologne, les relations entre les Etats -Unis et la Russie étaient au plus bas depuis la fin de la Guerre Froide. En effet, pour Moscou, ce projet était perçu comme dirigé avant tout contre la Russie et non contre l’Iran et il présentait donc une menace majeure pour sa sécurité. Aussi, l’annulation américaine a été accueillie avec un grand soulagement au Kremlin, Dimitri Medvedev soulignant une décision « responsable ». En prenant une telle décision, Barack Obama espère nouer de nouveaux liens avec la Russie, afin qu’ils puissent coopérer ensemble sur les questions de l’Iran, de la lutte contre les Talibans en Afghanistan et de la réduction de leurs arsenaux nucléaires.

Néanmoins, si cette décision américaine est bien reçue en Russie, c’est nettement moins le cas dans de nombreuses autres capitales européennes.

Gêne et confusion en Europe centrale et orientale

Les Républicains critiquent Barack Obama pour avoir trahi des alliés et plié sous la pression de Moscou, alors que les officiels en Pologne et République tchèque expriment de la gêne et de la confusion quant à ce revirement. Les sentiments dominants dans la presse de ces pays au lendemain de l’annonce étaient ceux d’abandon et d’inquiétude. En effet pour de nombreux observateurs, les Tchèques et les Polonais ont perdu ici une chance unique de quitter définitivement la sphère d’influence de la Russie. Par ailleurs la peur du voisin russe est toujours très présente dans ces pays et la possibilité de subir des pressions ou des menaces venant de Russie, à l’image de l’Ukraine et de la Géorgie, est largement redoutée au sein de la population et de la classe politique.

Dans ce contexte l’abandon du projet du bouclier anti-missile américain pourrait avoir un impact important sur leur doctrine de défense et plus largement sur l’Union européenne.

Vers une évolution du système tchèque et polonais ?

Depuis l’effondrement du bloc soviétique, les pays d’Europe centrale et orientale avaient concentré leur doctrine de défense sur une collaboration étroite avec les Etats-Unis et non avec l’Union européenne. Jusqu’à présent la défense européenne était perçue dans ces pays comme embryonnaire et très peu efficace. En somme, selon eux, seuls les Etats-Unis pouvaient les protéger en cas d’attaque russe. Avec la décision américaine nous pourrions assister à une évolution dans la réflexion de ces pays quant à leur défense. Ainsi en septembre dernier, quelques jours seulement après l’annonce américaine, Varsovie faisait savoir que sa priorité numéro une pour sa Présidence de l’Union européenne au second semestre 2011 serait le développement de la politique européenne de défense.

Le Taurillon, 02/12/09, par Pieyre-Alexandre Anglade

 

NDLR: En contrepartie de l’abandon du projet d’installation des 10 missiles intercepteurs en Pologne, les autorités polonaises ont reçu l’assurance que Washington poursuivrait le projet de déploiement des missiles Patriot qui seront armés en Pologne, décision qui ne satisfait pas la Russie et sucite des interrogations . Les Etats Unis persistent à développer un "bouclier" redimensionné avec l’installation de missiles Patriot en Turquie et peut-être aussi au Kosovo, site idéal pour des missiles et une base radar qui accueilleront vraissemblablement des pas de tirs dans le cadre de ce nouveau bouclier.

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